top of page

Retrouvez ici des synthèses de travaux de recherche, comptes rendus d’ouvrages, articles de presse en lien avec les problématiques traitées par l’OPMA.

S’installer et vivre dans les hautes vallées alpines.

Trajectoires de vie, attractivité et capacités d’adaptation des territoires.

Anne Barrioz,
Presses universitaires de Grenoble (PUG), 2022, 259 pp., 30 €

 

Anne Barrioz expose les résultats d’une enquête menée pendant plusieurs années auprès de personnes nouvellement installées et de personnalités ou et d’élus locaux, dans de hautes vallées alpines allant du Haut Giffre à la Haute Tinée, en passant par la Haute Maurienne, le Queyras ou la Haute Ubaye.

Ces enquêtes révèlent une grande variété de profils et de trajectoires de ces nouveaux arrivants, dont 70% s’installent entre 20 et 40 ans, avec une moyenne de 45 ans. Parmi leurs motivations dominent l’attrait de la montagne, de la qualité de la vie et l’attachement à des racines familiales ou sentimentales, suivies d’assez loin pas des raisons professionnelles.

Les difficultés rencontrées lors de leur installation sont d’abord le prix des logements, renchéri par la pression touristique, les problèmes d’intégration, l’éloignement des établissements scolaires, services publics et services de santé, la rareté des transports et publics et un coût de la vie rehaussé par l’éloignement. En revanche, l’accès à internet -quand il existe et/ou est efficace- facilite un certain nombre d’achats et d’activités professionnelles.

Les collectivités locales cherchent à favoriser le dynamisme lié à l’installation de ces personnes en âge de travailler, mais ne sont guère favorisées par les politiques nationales qui continuent à ne voir dans ces hautes vallées que des gisements de revenus touristiques, et dont le résultat est trop souvent une activité et une vie locales réduites aux quelques semaines d’hiver et aux deux mois d’été.

L’essai se termine par les futurs imaginés pour certaines de ces hautes vallées, en fonction de leurs atouts ou de leurs caractéristiques, et contraints par les nécessaires mutations dues à l’urgence climatique qui touchent particulièrement ces hautes terres, les contraignant à des choix et adaptations plus radicaux qu’ailleurs.

Au total, une lecture à conseiller à ceux qui voient aussi dans la montagne un territoire vivant, et dans son avenir une autre issue que sa transformation en parc d’attraction.

 

Etienne Jaillard, février 2023

Chaudun, la montagne blessée. Luc Bronner,
Editions du Seuil, 174 pp., 2020, 17 €

Chaudun est un village fantôme, caché dans un repli du Sud-Est du massif du Dévoluy, maintenant rendu à la nature sauvage. Luc Bronner, originaire et amoureux de cette région et arpenteur de montagne, livre une chronique d’archiviste plus que d’historien, qui fait revivre les vingt dernières années du village, difficiles et miséreuses, avant sa vente à l’Etat en 1895 par ses habitants désespérés. On y suit des familles oubliées, les instituteurs, les curés, les fonctionnaires des Eaux et Forêts, les émigrants, auxquels les archives redonnent voix et vie. Même si cet aspect est évoqué trop rapidement, on y comprend aussi comment les villageois se sont résolus à vendre leur terroir. Le déboisement – il faut bien construire et l’hiver est rude - qui provoque l’érosion des sols et les crues du torrent, qui entraîne la réduction voire la perte des récoltes, qui contraint à accueillir plus de brebis transhumant de Provence, qui amène surpâturage et excès de fumure, et finalement la ruine les versants qui nourrissaient la vallée. Chaudun, exemple de « collapse », un destin qu’ont connu plusieurs villages montagnards des Hautes-Alpes (Saint Genis en 1904, par exemple) et qui illustre les conséquences de la surexploitation des ressources.

Etienne Jaillard, Juin 2021

Là où l'horizon est plat, je ne tiens pas, de Louis Oreiller et Irene Borgna

Glénat, coll. Hommes et montagnes, 2019, 186 pages, 19,95 €

 

Il s’agit du monologue, organisé par l’anthropologue Irene Borgna, d’un vieux montagnard qui parcourt ses souvenirs. Gamin braconnier pendant la guerre, contrebandier ensuite, manœuvre, garde-pêche, garde du parc du Grand Paradis, garde-chasse, accompagnateur … et conteur à la langue simple, imagée et sincère. On y retrouvera le monde rude et riche des romans de G. Sonnier ou C.-F. Ramuz, et les savoirs et la sagesse d’Emilie Carles. L. Oreiller raconte l’intimité qu’il a gagnée dans la fréquentation de ses montagnes et de sa faune, les compétitions locales à skis ou à pied, les mules et les chiens qui ont partagé et parfois sauvé sa vie, la neige et ses pièges, les heurs et malheurs des habitants de la vallée, et sa lente transformation.

A rebours de la globalisation, son monde c’est le Val de Rhêmes, longue entaille abrupte, tendue entre la Tsanteleina et le Grand Combin. Il en a parcouru chaque ravine, chaque bosquet, chaque vire, « des centaines de kilomètres hors des sentiers, par des vallées et des vallons oubliés des touristes, sur des crêtes et des pas dont la plupart des alpinistes n’ont jamais entendu le nom. » Son travail l’a amené à observer les animaux sauvages, renards, chamois, fouines, bouquetins … « J’ai plus appris d’eux que des gens, même si c’est peut-être un peu honteux de dire ça. » Une patiente exploration de l’altérité sous toutes ses formes. « La montagne, ce n’est pas chez nous […]. En montagne, on doit être attentif et faire attention. Ce sont deux choses différentes et nécessaires toutes les deux : le respect et la prudence … »

De cette vie de montagne, il tire des leçons simples et profondes qui rendent modeste et peuvent accompagner chacun de nous. « C’étaient des années très rudes, il ne faut pas les regretter. Mais conserver ce qu’il y a de positif dans ce monde simple, fait de peu d’argent et de beaucoup d’ingéniosité, ça oui. […]je sais que ça n’existe plus, une monnaie qui n’a plus cours, […] un mot qui a disparu même dans les journaux : dignité. »

« Je suis devenu le seigneur des vires rocheuses, la sentinelle des pas secondaires et l’expert des moraines secrètes. J’ai régné sur ce royaume de cailloux, pas parce qu’il était à moi, mais parce que je lui appartenais. »

Un livre en forme d’introduction au monde montagnard comme un tout, un univers vivant, un mode de vie et de penser « où ils se passe soudain des choses qu’on ne peut pas photographier à moins de renoncer à les vivre … ». Le plus beau livre de montagne de l’année, d’après P. Cognetti. 

Etienne Jaillard, Avril 2020

Grimpeur professionnel. Le travail créateur sur le marché du sponsoring, de Guillaume Dumont

Editions EHESS, 250 pp., 2018, 17€

L'auteur, également grimpeur, à l'aide de nombreuses interviews effectuées principalement aux Etats-Unis, analyse la façon dont les grimpeurs professionnels gèrent leur carrière, c'est à dire à la fois maintenir un haut niveau, gérer leur image, et démarcher les sponsors. Passons sur le haut niveau. Gérer son image passe par découvrir dae nouveaux sites et ouvrir de nouveaux blocs, s’adjoindre les services d’un photographe, d’un vidéaste, ou faire tout ça soi-même ou entre amis, les « valoriser » sur les réseaux sociaux, et éventuellement mettre la grande presse dans le coup. Plus on a de likes ou de fans ou de vues, plus on est réputé (l’auteur parle de travail « réputationnel »), et plus on est bankable. Démarcher les sponsors se passe aussi de commentaires, mais il y a les pas doués, qui plafonnent à quelques milliers de dollars par an, les plus commerciaux qui s’en sortent avec 15 000 dollars/an et les stars qui atteignent 70 000 dollars/an. Le grimpeur pro est donc un « auto-entrepreneur » qui gère de A à Z son travail, ou a les moyens d’en déléguer une partie. Mais dans bien des cas, la profession s’« uberise », puisque les sponsors laissent le plus souvent au grimpeur la charge financière de la gestion de l’image (voyage, hébergements sur les sites, appareils de photo ou vidéo, ordinateur ou i-phone …). 

Le texte se lit facilement, mais la deuxième partie m’a semblé un peu répéter la première, et se charge en coquilles typos. L'ouvrage m’a intéressé (1) parce que je ne connaissais rien de ce milieu, (2) parce que cette profession, parce qu’elle est jeune et qu’elle s’invente aujourd’hui, pourrait préfigurer l’évolution des professions de plein air, actuellement structurées par des règles et normes anciennes, (3) parce que la gestion de l’image, indispensable pour vivre de cette activité, me paraît en grande partie nourrie par l’ego du grimpeur lui-même, et (4) parce que ce mode d’évaluation, ici du grimpeur, est en train d’envahir notre société (les chercheurs, par exemple, comprendront). 

Etienne Jaillard, Janvier 2019

Histoires verticales. Les usages politiques et culturels de la montagne, XIVe-XVIIIe siècle, de Stéphane Gal

Editions Champ Vallon, 456 pp., 2018 29 €

 

La revue L'Histoire annonce la publication de cet ouvrage. "Si la montagne a une histoire, tout porte à croire qu'elle est verticale. Voici l'intuition vérifiée par S. Gal (Univ. Grenoble-Alpes). La verticalité appelle d'abord des métaphores: le dépassement de soi, l'audace de la conquête di sommet, l'ambition de l'élévation, les hauteurs spirituelles de la foi. Mais aussi le déclin, le précipice, la chute ou l'orgueil d'une ascension mal préparée. Ces registres sont largement convoqués par l'historien pour définir les pratiques et les usages, notamment de la politique, en milieu montagnard, du Moyen Âge aux Lumières. Une belle part est consacrée à la Renaissance, tant la découverte des Alpes est liée à cette épopée que fut la "tranchée des monts" par François Ier, conduisant chevaliers et canons pour triompher à Marignan. Cette verticalité s'exprime aussi dans l'ambition matérielle de la construction (les forteresses et les "citadelles du vertige"), de l'exploitation (la géographie étagée du travail), de la circulation et de la progression (la naissance de l'alpinisme entre XVIe et XVIIIe siècle). A la croisée de ces valeurs se tient l'identité imaginaire des montagnards, eux aussi verticalisés:d es héros allobroges aux crétins des Alpes, l'echelle descend (ou grimpe) de nombreux barreaux. Pourtant, ces identités forment la même cordée."

L'Histoire, Janvier 2019, n°455

bottom of page